Sur ce lac j'imagine des
cygnes et des canards,
Des barques en redingote se
faufilant le soir
Sur les bords, une passante, au
bras un sac à main,
Son manteau grisonnant comme
la brume du matin
Ces cheveux frisottants
longeant ses épaules fines,
La brise finissante, s'essoufflant
en sourdine.
Sur les ondes endormies, aux
profondeurs voilées,
Une mouette se posait, son
plumage argenté.
Les ailes déployées, des
ailes de liberté.
Elle regarda cette femme, aux
longs cheveux bouclés,
Puis, s'envola, avec force,
au loin, dans la nuée,
Au bout de ce vieux monde,
disparue à jamais.
Les yeux vers l'infini, profondément
absente,
Cet ailleurs en balade où la pensée
se campe,
Ce nulle part mystérieux,
éternel inconnu,
Qui souvent s'évade, aux
limites absolues,
Où l'horizon s'endort, dans
l'étoffe du temps
Aux délicieuses rondeurs du
soleil levant.
Elle imagine, elle rêve, elle
construit ses chimères
Elle s'invente un monde, en
tricote un pull over,
Elle a chaud, quand le temps
est au froid de l'hiver,
Elle est bien, toute seule,
dans son imaginaire,
Les remparts sont si hauts,
le monde n'existe plus,
Elle est là dans l'apparence,
une réalité perdue.
Sur ce lac, j'imagine, l'eau fumante
aux aurores,
Les montagnes éveillées,
prenant place aux décors,
L'île aux cygnes, sublimée, comme
flottante sur les ondes,
Et, cette barque amarrée,
cette dame vagabonde.
Elle est toujours là, son
manteau grisonnant
Ses cheveux bruns frisés, le
long soupir du vent.
La brume se dissipe, légère
et délicate,
Mère nature se révèle, au
soleil écarlate,
Un moineau se pose, aux pieds
de notre Dame,
Le lac se reverdit d'émeraude
et s’enflamme.
Le clapotis des vagues en
rythme s'éclaircit,
Le matin se réveille, le jour
clame à la vie.
Elle fixait toujours les
bords de l'autre rive,
Cette autrement dame, aux
prunelles évasives
Le regard hypnotique, l'âme
introvertie,
Le visage figée, comme
absente et sans vie,
Elle se dressait, debout,
droite comme un pic,
Et les mouettes
virevoltaient, en spirales romantiques.
J'imagine, l'Indochine, son
Amour est parti,
Rejoindre les troupes, et si
loin du pays,
Seule, elle venait là, sur le
bord du chagrin,
Etre avec lui, tôt, le matin,
chaque matin,
De l'hiver à l'été, de l'été
à l'hiver...
Le rejoindre en pensée, dans
ses rêves lunaires.
C'était l'unique instant, où
elle pouvait lui parler,
Où elle le rêvait,
l'imaginait, l'entendait,
Le voyait, communiquait avec
son âme,
Sa belle âme ouverte à ses
rêves de Dame,
Avec ce lointain, pourtant si
proche à cette heure.
Le Mékong, Phnom Penh, les
bombes, l'horreur.
La guerre, les victimes, les
morts et les blessés,
Toutes ces images obscures, lourdes
de cruauté,
Son amour était là-bas, son
amour passionné,
Elle entendait les cris,
toutes ces vies écorchées,
Arrachées de douleurs, d’un
monde sans pitié,
Son amour était là-bas : -«
qu’on ne lui fasse pas mal,
Qu’il revienne au plus vite,
qu’il me prenne dans les bras. »…
« Dans ses bras, qu’il
fait bon, qu’il fait chaud, j’y suis bien
Le matin au réveil, le soir
après le gagne-pain
La télé, c’est trop cher, on
n'aime pas le bistrot,
Alors on se promène :
balade au bord de l’eau,
Il y a toujours une barque,
qui nous ouvre nos rêves,
Et on contemple la lune, les
étoiles, puis nos lèvres,
Nos baisers nous réchauffent lorsque
le jour s’endort,
Et que la bise se promène,
sur les ondes près du port,
On écoute les planètes, leurs
murmures de velours,
Tandis que la pleine ronde,
nous incite à l'amour.
Que j'aimerais rester dans
cette barque, toujours,
Pensait-elle, une larme couchée
juste au bord de la joue"...
Sur ce lac j'imaginais des
cygnes et des canards,
Une barque en redingote se
faufilant le soir
Sur les bords, une passante,
au bras un sac à main,
Son manteau grisonnant comme
la brume du matin…
Texte et musique: Robert Nicollet.