samedi 4 juillet 2015

Balades Nocturnes



Extrait du "Monologue du Mendiant" - Acte III - scène 1

Il est minuit, Elinda et José sortent du bar de Mme Christelle. Ils rencontrent Anna, une amie d'Elinda, à l'époque où elles se prostituaient dans le quartier du vieux port...


Balades Nocturnes


Elle a des larmes couchées, sur les draps du regret.
La peau fine et sucrée, bordée de mille secrets
Elle vit au bout du monde, un hôtel en banlieue,
Petite chambre vagabonde, pour un naufrage à deux.

Elle s’allonge en silence, jusqu’au bruit du néant
Attend sa délivrance, pour fuir avec le temps.
Elle a au fond du corps, tant de graines avortées,
D’étoiles brillantes mortes, du manque de rosée.

Elle se couche sur la toile, juste au bout du pinceau
Un instant, puis dévoile, ses charmes sur ce tableau.
Cette fille que l’on drague, aux lueurs de la nuit
Ces talons  écarlates, aux âmes de l’infini.

Mais, quand elle abandonne, ses habits des faubourgs
Ses haillons qui chiffonnent, les fissures de l’amour,
Elle se retrouve seule, étrangère dans l’oubli,
Sa belle poitrine en deuil, de douces caresses amies.

C’est une jupe fendue, aux limites de l’enfer,
C’est le cuir de la rue qui te colle pour te plaire.
Ses rondeurs de lune, aux pâleurs de l’extrême,
Te servent pour de la tune, son corps sur un “ je t’aime ”.

Elle s’expose étoilée, aux galeries de la terre,
Dans cette rue voilée ,elle se montre, elle s’éclaire.
Ses charmes fous de lumière, ses flammes qui ondulent,
 Cette mèche qui se perd, sur ce cierge majuscule.

Raidi aux mots d’amour, aux fruits de la passion,
Aux voyages sans retour, à l’ultime frisson,
Ils hurlent sans un mot, leur corps dans les entrailles,
Ces galants de godillots, ont leur braguette en braille.

Leurs chants ivres en bataille, voguant, la voile fière,
Sur les vagues en racaille, sur cette mer en galère.
Elle dépose des baisers sur ce gibier de potence
Ces hommes embarqués au plaisir dans l’errance.

Son cul trop accroché aux ardeurs qui accourent,
Elle est nue, écorchée, blessée dans son “ toujours ”,
Les yeux draguant la mort, le spleen, les SOS
Elle referme ses trésors, vomit l’âme qui blesse.

On la retrouve tôt, quelques fois bien trop tard
Abattue, au bistrot, la tête dans son cafard.
Elle est là, par hasard la vie comme une bille,
Comme le temps qui s’égare au fil d’une aiguille.

Elle est là, tous les soirs, la chance vers l’évasion
Marchant sur ce trottoir, sans rien à l’horizon.
Son maquereau a muté, ses cris de désespoir,
Ses larmes démaquillées, aux sanglots du miroir.

Elle a tout oublié, de cette dame d’en face,
Cette autrement fanée, qui pleure et qui s’efface.
Alors, fermant les yeux  et le repli dans l’âme,
Elle lui fait un“ adieu ”, comme une grande dame.



Paroles et musique: Robert Nicollet.



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